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Sur les origines historiques possibles des légendes de la Nativité

"Est modus in rebus"
Horatius. Sermonum. I, 1, 106


Sommaire

La comète de Halley a été plusieurs fois proposée au rôle de l'Étoile de Noël, en particulier dans le XXe siècle. Cependant, pour autant que je sache, mon article "La comète de Halley : une démystification de la légende de Nativité?" publié en russe en 1986 a révélé pour la première fois des similitudes entre des événements de l'automne 12 avant Jésus-Christ (av. J.-C.), quand la comète de Halley a été observée, et ceux des récits canoniques. Dans des études subséquentes j’ai introduit dans l’hypothèse des corrections substantielles. On peut voir ces corrections si l’on compare la forme présente de l’hypothèse avec mon article "La comète de Halley : une démystification de la légende de Nativité?" ou avec la critique de mon hypothèse dans le livre de Richard R. Racy "Nativity: The Christmas Story, Which You Have Never Heard Before" ( Chapter 9. Candidate #2: Reznikov’s comet), publié en novembre 2007, ou encore avec la critique de mon hypothèse sur le site "L'étoile des mages était elle une comète?" (dernière mise à jour: 18/02/2015). Je continue mes recherches. Il y a de nouvelles mises à jour, permettant de voir la canonique histoire de la Nativité dans une lumière de plus en plus réaliste. La possibilité même de faire de telles corrections témoigne le fait que l'hypothèse est essentiellement correcte. Le sommaire ci-dessous donne une idée de l'état actuel de l'hypothèse qui est présentée en détail sur le site https://nativity.reznikova.ru/rus/ en russe.

«Anno sequenti Herodes rediens a Roma cum videret qui illusus esset a magis...", i.e. « L'année suivante, à son retour de Rome, Hérode, voyant qu'il avait été joué par les mages ... ". Ce fragment d'un évangile (Manuscrit D, Paris, BNP Nr. 1652 [1], voir aussi [2, p. 65-66]), qui semble surprenant et meme absurde si nous acceptons l'interprétation traditionnelle du texte canonique, a joué un rôle clé dans la formulation de mon hypothèse. Selon les études modernes le dernier voyage d'Hérode à Rome a eu lieu dans la fin de l'été 12 av. J.-C. (voir [3],[4, p.74]). Flavius Josèphe écrit qu'Hérode, «non seulement il se laissa nommer agonothète pour la période quinquennale [des Jeux Olympiques -A. R.] qui commencait au moment où, faisant voile vers Rome, il passa par là…» [5, Livre I, Chapitre XXI, 12]. Selon Britannica «les Jeux Olympiques étaient ... tenus tous les quatre ans entre le 6 août et le 19 septembre» [6]. F.K. Ginzel notait: «Nissen a résumé ses résultats dans la règle selon laquelle les Jeux Olympiques impairs commencaient avec la pleine lune en août et les Jeux pairs commencaient avec la pleine lune en septembre…» [7, S.355-356]. Les 192èmes (pairs!) Jeux Olympiques ont été célébrés en 12 av. J.-C.. La lune était pleine le 3 septembre. À cette époque-là on mettait 6 jours pour venir de Syracuse (Sicile) à Alexandrie (Égypte) [8]. Je suppose que Hérode devrait mettre environ le même temps pour arriver à Olympie en Grèce. Par conséquent, son départ pour le voyage était pendant la dernière semaine d'août 12 av. J.-C..

Le but principal du dernier voyage d’Hérode en Italie était d'accuser ses fils Alexander et Aristobule devant l’empereur Auguste d'une tentative d'empoisonner leur père [5, livre I, chapitre XXIII,3; 9, livre XVI, chapitre 4, 1-5]. Je suppose qu'avant son départ pour le voyage il a assemblé le Sanhédrin («un simple outil à sa disposition») pour obtenir une approbation formelle de sa décision. Pendant la réunion du Sanhédrin Hérode était informé que «des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem en disant :"Ou est le roi des Juifs qui vient de naitre ? Nous avons vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre hommage" » Mt 2.1-2 [10]. Il est extrêmement important de noter: les mages ne disent pas qu'ils ont vu l'étoile à l'Est, c'est-à-dire dans leur pays, comme il a été mal interprété depuis l'Antiquité (voir, e.g., mes commentaires sur les articles Can astronomy explain the biblical Star of Bethlehem? et Dialogue sur l’étoile de Béthléem), mais à son lever. En outre, les mages parlent d’une seule observation de l'étoile montante, et cela signifie que ils étaient près de Jérusalem. Selon l'histoire dynastique chinoise "Ch ' en-han-shu. Traité sur les Cinq Éléments" : "en août 26 (l'année 12 av. J.-C.) une étoile (en chinois po-hsing, c'est-à-dire "une étoile touffue: une étoile extrèmement brillante avec des rayons, ou une comète sans queue") est apparue a Tung-Ching... Le matin elle est apparue à la direction Est..." [11]. Les calculs moderns ont montré que c'était la comète de Halley [11]. On peut voir le chemin de la comète sur le site de Robert S. Fritzius. Par conséquent, si les mages observaient la comète à l'aube du 26 août (une imprécision d'un ou deux jours est tout à fait acceptable), elle était encore sans queue et ressemblait à une étoile. Il est tout à fait possible qu'à l'aube de ce jour-là, les mages attendaient le lever de la Crèche pour prédire le temps [12], et l'apparition d'une étoile inhabituelle fut une surprise totale pour eux.

Je suppose que les mages de la Parthie voyageaient par le parcours circulaire: la Parthie, l'Arabie, la Nabatène, la Judée, la Galilée, la Trachonitide, Damas, Palmyre, la Parthie (voir la carte). En Arabie ils pourraient acquérir de l'or, l'encens et la myrrhe pour leurs propres besoins. Mais toutes ces choses pourraient aussi être achetées à Jérusalem. À l'aube du 26 août quand les mages étaient tout près de Jérusalem, ils ont vu le lever d'une étoile inhabituelle. Selon les calculs modernes, cela pourrait arriver après 2 heures du matin. Le soleil s'est levé après 5h du matin. Les mages ont décidé que la montée de "l'étoile étincelante" annonçait la naissance du futur roi juif (nota bene: pas le Messie, comme les commentateurs l'ont traditionnellement affirmé, mais seulement un autre roi!) à Jérusalem et, laissant l'étoile derrière eux , ils se sont précipités à la capitale pour adorer le roi nouveau-né. Ils sont venus à Jérusalem en fin de matinée ou dans l'après-midi, donc "l'étoile" n'était pas visible à la lumière du jour et personne ne pouvait la voir. Hérode fut rapidement informé des mages excités et de leur rapport. L'affirmation que "le roi Hérode s'émut, et tout Jérusalem avec lui" Mt 2.3 est une exagération évidente. Le roi pourrait simplement inviter les mages au palais et leur présenter un bébé approprié. Mais il n'y avait pas un bébé convenable dans la grande famille d'Hérode (voir Tableau Marriages and descendants). Alors, on pourrait dire aux mages qu'ils ont tort, ou simplement les ignorer.

Mais quelqu'un de l'environnement d'Hérode "a jeté de l'huile sur le feu mourant" en précisant que selon la prophétie de Balaam Nombres 24.17 le lever d'une étoile inhabituelle pourrait signifier beaucoup plus que la naissance d'un autre "roi des Juifs", à savoir la naissance du Christ - Messie - Mashiah. À la reunion Hérode a demandé aux "grands prêtres avec les scribes du peuple du lieu où devait naître le Christ." A Bethléem de Judée, lui dirent-ils" Mt 2.4,5,7. Le roi est devenu intéressé, a décidé d'écouter les mages et a ordonné de les lui amener secrètement" Mt. 2.7. Hérode n'a pas quitté la réunion immédiatement donc les mages ont du patienter. Si Hérode a reçu les mages après 19 heures, on pouvait voir des etoiles dans le ciel. Il a voulu qu'ils lui aient montré leur "astre". Cependant, la comète ne s'était pas encore levée et le roi "se fit préciser par eux le temps de l'apparition de l'astre" Mt 2.7. Notez bien: "le temps de l'apparition de l'astre" et pas la date, car c'était le même jour. Évidemment, ni l'apparence des mages ni leur histoire n'impressionnèrent le roi. Hérode "les envoya à Bethléem en disant :"Allez vous renseigner exactement sur l'enfant ; et quand vous l'aurez trouvé, avisez-moi, afin que j'aille, moi aussi, lui rendre hommage"" Mt 2.8. Il a été sûr qu'ils ne trouveraient pas à Bethléem un roi nouveau-né des Juifs. C'est pourquoi le roi oriental s'est comporté si inhospitalier, n'a pas offert de logement aux voyageurs qui étaient venus de loin à son palais et ne leur ont pas donné d'escorte à Bethléem. Ainsi, ce n'était pas une ruse, traditionnellement supposée par la majorité des exégètes, mais simplement une indifférence envers les mages à l'air modeste et leur récit. Ils remarquèrent l'attitude méprisante d'Hérode à leur égard, restèrent mécontents de l'inhospitalité du roi et plus tard, comme nous le verrons, volontairement ou involontairement, mais se vengèrent de lui.

Les mages ont passé la nuit à Jérusalem et à l'aube du 27 août sont allés à Bethléem à la recherche du roi nouveau-né. Possiblement le même jour Hérode entreprit un long voyage en Grèce et en Italie sans savoir si les mages allaient à Bethléem ou non. Ce matin-là les mages n'ont pas observé le lever de leur "astre" à cause du temps nuageux. Quoique l'évangile dise que "l'astre, qu'ils avaient vu à son lever, les précédait" Mt 2.9 les mages ne l'ont pas vu quand ils suivaient la route sinueuse dans les collines, la route qui se tournait vers l'est à l'approche de Bethléem. Donc, ce n'était pas un objet céleste mais bien la route qui guidait les mages jusqu'à Bethléem. Selon l'Évangile la deuxième fois ils n'ont vu l'astre qu'après il s'était "arreté au-dessus de l'endroit ou était l'enfant", et ce n’est qu’à ce moment-là "ils se réjouirent d'une très grande joie" (cf. Mt 2.9 and Mt 2.10). Des calculs montrent qu’il était environ 8 heures du matin. Ainsi, lorsque les mages avaient vu "l'astre montant" pour la première fois, ils la laissèrent derrière eux et entrèrent dans Jérusalem par l'est. Maintenant, ils ont soudainement vu "l'astre" au-dessus de la maison devant eux. C'est pourquoi il est écrit "les précédait" Mt 2.9. Notons que selon mon hypothèse deux observations de l'astre par les mages sont séparées d'un peu plus d'un jour et non de plusieurs mois, comme l'ont supposé des exégètes. De toute évidence, l'interprétation aussi simple et réaliste concorde mieux avec la lettre et l'esprit du texte canonique que des interprétations traditionnelles.

Les mages, voyant leur "astre" pour la deuxième fois et, le plus important encore, au-dessus de la maison dans laquelle l'Enfant était,"se réjouirent d'une très grande joie" Mt. 2.10. Comme il ressort de l'Évangile, ils étaient si naïfs qu'ils ont voulu retourner à Hérode, partager leur joie avec lui et parler de la fin miraculeuse de leur quête. Il était nécessaire de les expliquer que ceci était imprudent et même dangereux Mt 2.12. À en juger par leur comportement et la façon dont Hérode les traitait, les mages n'étaient bien sûr pas des "Rois" ni même des "sages". Mais ceux naïfs et, probablement, jeunes mages ont été honorés avec "la révélation naturelle".

Ainsi après l'adoration les mages "prirent une autre route pour rentrer dans leur pays" Mt 2.11, i.e. par la Judée, le nord de la Galilée, la Trachonitide, Damas, Palmyre, la Parthie (voir la carte). Selon les observations chinoises et des calculs modernes, dans des conditions météorologiques favorables, le lever de la comète pourrait être observé jusqu'au 7 septembre. Au IIIe siècle, Dion Cassius a écrit à propos de l'observation de cette comète au-dessus de Rome: "Un de ces astres qu’on nomme comètes, après être, pendant plusieurs jours, apparu dans les airs au-dessus de Rome elle-même, se dissipa en flambeaux" [13, LIV, 29]. Ainsi, après la première observation en Chine le 26 août, la comète a non seulement acquis une queue, mais l'a aussi perdue. Le spectacle était impressionnant et symbolique pour les mages. Toujours au troisième siècle, Origène écrivit sagacement à propos de l'étoile des mages: "Je crois que l'étoile qui parut en Orient était d'une nouvelle espece… de même nature que les comètes… On a observé …qu' il parait de ces sortes d'astres, qui présagent ou des révolutions d'empires, ou des guerres, ou d'autres tels accidents capables de causer du remuement dans le monde" [14]. Les mages se rendirent compte qu'ils n'observaient pas une étoile, mais une comète, et ainsi ils avaient des raisons de prédire «des révolutions d'empires» et la mort d'Hérode. Quand ils passaient par la Trachonitide leurs narrations ont produit un effet particulièrement fort. Flavius Josèphe écrit: "Mais à l’époque où il s’embarqua pour Rome afin d’accuser son fils Alexandre… les gens de Trachonitide répandirent le bruit de sa mort, se révoltèrent contre son gouvernement et se remirent à maltraiter leurs voisins selon leur habitude" [9, livre XVI, Chapitre 9,1]. Dans le cadre de l'hypothèse, il est naturel de supposer que les Trachonites ont commencé à répandre des rumeurs sur la mort d'Hérode non pas spontanément, mais sous l'influence des récits des mages qui leur étaient parvenus.

Donc, "l'année suivante, à son retour de Rome..." (Manuscrit D, Paris, BNP Nr. 1652 [1]), "Hérode, voyant qu'il avait été joué par les mages, fut pris d'une violente fureur …" Mt 2.16. Selon mon hypothèse Hérode était parti pour son long voyage dans la troisième decade d'août. Il a été de retour surement après le 1er Tishri (Rosh Hashana quand l'année juive change) qui coincida avec la nouvelle lune du 18 septembre de l’an 12 av. J.-C.. À cette epoque-là la Méditerranée était navigable de mars jusqu'à mi-novembre [8]. Il est possible que, comme lors du premier voyage à Rome, il ait passé l'hiver à l'extérieur de son royaume. Il suit de notre hypothèse que Hérode était en colère contre les mages, non parce qu'ils ne lui avaient pas rendu compte des résultats de leur promenade à Bethléem. Selon le texte de l'Évangile, il ne savait même pas s'ils étaient à Bethléem ou non. Hérode était en colère contre les mages plusieurs mois après leur visite parce que pendant son voyage ils ont provoqué de grandes perturbations dans son royaume qui ont conduit à l'éclatement d'une guerre avec les Nabatéens. Apparemment, pas immédiatement Herod a pris conscience de qui avait généré des rumeurs de sa mort. Quelque temps avait passé après son retour de Rome avant qu'il n'ait envoyé "mettre à mort, dans Bethléem et tout son territoire, tous les enfants de moins de deux ans" Mt 2.16. Mais pourquoi tous les enfants de moins de deux ans et pas seulement celui que les mages avaient adoré ? Parce que Hérode n'a pas été sûr qu'ils pourraient trouver le juste. Dans son action Hérode n'était pas original du tout. Le Sénat romain dans 63 av. J.-C. et l'empereur Nero dans les années 60 après J.-C. ont agi de la même manière [15].

Deux sources rapportent l'ordre d'Hérode de tuer les garçons: l'Évangile selon Matthieu et "les Saturnales" de Macrobe. Dans "les Saturnales" il est écrit : "Ayant appris que, parmi les enfants de deux ans et au-dessous qu'Hérode, roi des Juifs, avait fait massacrer en Syrie, était compris le propre fils de ce roi, il (l’empereur Auguste- A.R.) a dit «Il vaut mieux etre le porc d'Hérode que son fil »" [16, livre II, chapitre IV,11)]. Josephus Flavius écrit qu'Hérode a ordonné l'exécution de trois de ses neuf fils légitimes adultes: Alexander et Aristobulus en 7 av. J.-C. et Antipater en 4 av. J.-C. quelques jours avant sa mort [17]. À ce propos, au XVIIIe siècle, N. Lardner (voir [18], livre II, chapitre II, p.444-445) et après lui, la plupart des auteurs croyaient qu'Auguste avait prononcé sa plaisanterie après avoir appris l'exécution du fils (ou des fils) d'Hérode et Macrobe (ou quelqu'un avant lui) a édité la phrase d'ouverture sous l'influence de Mt 2.16. De plus, selon l'opinion "des auteurs critiques modernes, Matthieu inventa tout l'épisode avec l'étoile, les mages et le massacre à Bethléem (voir [19], p. 170-171).

En effet, Matthew et Macrobe transmettent l'ordre d'Hérode de tuer tous les garçons de deux ans et moins, mais leurs textes proviennent de deux sources complètement indépendantes. Notez que dans la première phrase de Macrobius, le fils du roi assassiné a moins de deux ans, et alors que Flavius rapporte l'exécution de fils royaux adultes. En outre, dans Matthieu, l'enfant évite l'exécution, tandis que dans Macrobius il est tué. Il est impossible que quelqu'un ait si déformé le texte de Matthieu pour l'utiliser dans la phrase d'ouverture de la blague d'Auguste. À quoi bon? Il n'y a aucun doute que dans "les Saturnales" la blague d'Augustus et la phrase d'ouverture sont présentées dans leur forme originale, comme les autres blagues d'empereur. Je suppose que la source originale de Macrobe était quelqu'un du cercle d'Hérode, qui connaissait la visite des mages, entendait parler de l'ordre d'Hérode et pensait que le but de l'ordre: tuer un éventuel héritier du trône - avait été atteint. La source originale de Matthew était aussi quelqu'un de la cour d'Hérode, qui savait non seulement de la visite des mages et de l'ordre d'Hérode, mais aussi que la Sainte Famille avait été prévenue et avait réussi à s'enfuir en Egypte. Hérode rencontra secrètement les mages Mt 2.7 et ordonna secrètement de tuer les bébés. Ainsi, l'ordre d'Hérode n'était connu que des courtisans du roi et de quelques voyous envoyés à Bethléem pour l'exécuter. Selon les données archéologiques à l'époque d'Hérode, très peu de gens vivaient à Bethléem. C'est pourquoi l'exécution de l'ordre n'a pas fait de bruit dans la capitale voisine et, par conséquant n'a pas été reflétée dans les oeuvres de Josephus. L'ordre était cruel, mais l'effet de son exécution était minime.

Mais comment et quand l’empereur Auguste a-t-il été informé de l'ordre d’Hérode et du massacre? Flavius Josèphe écrit qu’en 7 av. J.-C. peu avant son exécution le fils d’Hérode Aristobule a dit à la soeur d’Hérode Salomée: "N’es-tu pas... toi-meme en danger de mort, toi qui as été accusée d’avoir dénoncé à Syllaios [Syllaeus - A.R.], tout ce qui se passait, dans l’espoir de l’épouser ? " [9, livre XVI, chapitre 10, 5]. Je suppose que Syllaeus a été informé de l'ordre et du massacre et en a parlé à l’empereur Auguste quand il l'a rencontré en relation avec les actions militaires d’Héode contre les Nabatéens. Alors l’empereur Auguste "ayant appris que, parmi les enfants de deux ans et au-dessous qu'Hérode...etc.". Notez, l'empereur a dit cela quelques années avant qu'Hérode n'ait commencé à exécuter ses fils adultes. Flavius Josephe rapporte, qu'après cette réunion Auguste "écrivit a Hérode, entre autres duretés, ceci, qui faisait l’objet principal de sa lettre : qu’il l’avait, traité jadis en ami, mais que désormais il le traiterait en sujet" [9, livre XVI, chapitre 9, 3]. À mon avis, il n'est pas surprenant que l'ordre de Hérode et son exécution n'a pas été reflété dans les écritures de Josephus. Plutôt étonnant que les rapports de cet ordre secret nous ont atteints dans deux sources indépendantes. Comme il a été dit: "il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert" Mt 10.26, mais "il y a un temps pour tout" Eccles 3.1.

Ainsi , "l'année suivante, à son retour de Rome... ", c'est-à-dire en 11 av. J.-C. Hérode a ordonné le massacre. Mais la Sainte Famille s'est enfuie en Égypte et selon notre hypothèse est restée là pendant environ sept ans jusqu'à ce que Hèrode soit mort en 4 av. J.-C. . À XIII siècle Bonaventure a écrit que la Vierge avec son Fils resta exilée sept ans, et qu'après ces sept ans accomplis, "voici que l'Ange du Seigneur apparait en songe a Joseph, en Égypte, et lui dit..." Mt 2. 19-20 ([20], chapitre XII, p. 89). Une si longue période coïncide exactement avec notre évaluation, mais elle est contraire aux vues traditionnelles, parce qu'il était toujours cru que Hérode avait rencontré les mages peu avant sa mort et par conséquent la Sainte Famille séjourna en Égypte quelques mois, pas des années. Ainsi, il serait très intéressant de connaître pourquoi Bonaventure avait écrit "sept ans "?

Joseph avait l'intention de retourner en Judée et probablement à Bethléem, mais il a eu peur d'y aller Mt 2.22. Apparemment, même après 7 ans du séjour en Égypte, il a craint que l'on connaisse à Jérusalem du retour de la famille avec l'enfant, lequel les mages avaient adoré comme "le roi des Juifs" et qu'il serait tué. Cette crainte laisse supposer que la Sainte Famille n'était pas la source d'information sur les mages et l'évasion en Egypte. C'est pourquoi "l'histoire de la Nativité" dans Luc est muette sur la visite des Mages et le séjour en Egypte .

Qui, alors, était la source originale de l'histoire réaliste, assez précise, quoique concise, racontant de l'étoile, de la visite de mages et des événements ultérieurs? C'était quelqu'un qui 1) savait le but de l'arrivée des mages à Jérusalem, 2) a entendu l'adresse d'Hérode au Sanhédrin et sa réponse au roi, 3) a assisté à la réunion secrète du roi avec les mages, 4) connaissait les circonstances des deux observations de l'étoile (Mt 2.2 et Mt 2.9-10) par les mages, 5) a entendu l'ordre du roi de tuer les garcons et prévenu en temps opportun Joseph, 6) a fortement recommandé à Joseph de fuir en Egypte, 7) a informé Joseph que sa famille peut revenir en Israël, 8) savait pourquoi Joseph a décidé de retourner à Nazareth. Matthieu écrit que Joseph et les mages recevaient dans des rêves des recommandations d'un ange sur la façon de se comporter. Comme nous formulons une hypothèse scientifique, nous supposons qu'en réalité un tel ange gardien pourrait être un courtisan du roi. Il a pris au sérieux l'arrivée des mages et leur rapport, était présent à leur rencontre avec le roi, les accompagnait à Bethléem, était présent à l'Adoration, a recommandé aux mages naïfs de ne pas informer Hérode des résultats de leur promenade à Bethléem. Il s'est aussi occupé de la Sainte Famille du moment de l'Adoration, jusqu'à, au moins, le retour de la famille de l'Égypte. Il a probablement suggéré à Joseph un endroit en Égypte et a aidé la Sainte Famille financièrement.Le courtisan a possiblement laissé un compte écrit d'événements, mais il n'a pas révélé son nom, parce qu'il avait aussi peur. Je n'essaye pas de suggérer qui il était en réalité, et comment l'histoire est venue à Matthieu.

Il est intéressant de noter que notre hypothèse révèle un certain nombre de moments de connexion de la Nativité selon saint Matthieu avec Rome, à savoir : 1)"l'astre" qui "vînt s'arrêter au-dessus de l'endroit où était l'enfant" (Mt 2.9), "apparu dans les airs au-dessus de Rome" [12, LIV, 29.8] (ou encore mieux en anglais "hung for several days over the city"); 2) Hérode peu après sa rencontre avec les mages se rendit à Rome et a appris sur les conséquences dramatiques de la visite des mages dans son royaume "l'année suivante, à son retour de Rome" (Manuscrit D, Paris, BNP Nr. 1652 [39]); 3) l’empereur Auguste a été informé de l'ordre de Hérode de tuer les Innocents peu de temps après sa mise en œuvre. Les événements décrits dans «L'histoire de la Nativité» de Luc, que nous allons considérer, apparaissent également dans certains cas en relation avec les événements à Rome, explicitement et implicitement.


[1] C. Tischendorf. Evangelia apocrypha. Leipzig, 1876.

[2] D. W. Hughes. The Star of Bethlehem. Walker, New-York, 1979.

[3] E. Mary Smallwood. Jews under the Roman Rule. Leiden, 1981.

[4] Duane W. Roller. The Building Program of Herod the Great. University of California Press, 1998.

[5] Flavius Josèphe. La Guerre des Juifs.

[6] Britannica. Macropaedia, v.25, p.197, 1978.

[7] F. K. Ginzel. Handbuch der mathematischen und technischen Chronologie. Bd.II. Leipzig, 1911.

[8] G. Luzzatto. Storia Economica d'Italia. Cap.3. Roma, 1948.

[9] Flavius Josèphe. ANTIQUITES JUDAÏQUES.

[10] La Bible de Jerusalem .

[11] F. R. Stephenson, K.C.Yau. Far eastern observations of Halley's comet: 240 B.C. to A.D. 1368. JBIS: journal of the British interplanetary society, 38, 195, 1985.

[12] Au IIIe siècle avant notre ère, le poète grec Aratus écrivait dans les Phénomènes. III - Pronostics célestes (verses 892-998)e.g.: "...consultez la Crèche que le Cancer entoure, quand elle vient d'être dégagée de tout nuage, car elle s'en délivre à la fin de l'orage".

[13] Dion Cassius. Histoire Romaine. Livre LIV.

[14] Origène. Contre Celse. Livre I, chapitres 58-59.

[15] Suetone. VIES DES DOUZE CESARS. Livre II. Vie d'Auguste 94,3. Livre VI. Vie de Néron 36.

[16] Macrobe. SATURNALES.

[17] Gordon Franz. The Slaughter of the Innocents: Historical Fact or Legendary Fiction? Associates For Biblical Research, December 9, 2009.

[18] Nathaniel Lardner. "The credibility of the Gospel history : or, the facts occasionally mention'd in the New Testament confirmed by passages of ancient authors .The Credibility of the Gospel History: Or, the Facts Occasionally Mention'd in the New Testament Confirmed by Passages of Ancient Authors ... The Second Edition with Additions". John Gray. London, 1730.

[19] Paul L. Maier. Herod and the Infants of Bethlehem. (Chronos, Kairos, Christos II: Chronological, Nativity, and Religious Studies in Memory of Ray Summers. Ed. Vardaman J. Macon, Ga.: Mercer University Press 1998).

[20] St. Bonaventure's Life of our Lord and Saviour Jesus Christ. Translated from the Original Latin. P. J. KENEDY & SONS. NEW YORK. 1881.
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